Mathieu-Robert

L’ours

18 Juil 2009

Par Mathieu Robert Sauvé – samedi 18 juillet, 20 h 30

« L’ours! »

Le cri est lancé au milieu du déjeuner, par Benoît qui accourt devant nous. Non pas « un ours ». « L’ours. » Celui que nous avons vu la veille, à quelques centaines de mètres du lieu où nous avons monté notre campement. Il est là à rôder près de notre tente. Nous sommes sur son territoire. Il surveille qui sont ces intrus sur ses berges. Ça sent le poisson, le riz teriyaki, la barre Sweet Valley. Heureusement, il s’éloigne sans histoire, sentant peut-être que nous sommes armés d’un fusil, d’une fanfare de « bear bangs » et de pistolets traceurs.

Le Nunavik est de nature discrète. Depuis que nous sommes partis, nous avons vu quelques oiseaux (des canards, des huarts, des passereaux), des poissons (les truites sont au rendez-vous, je peux vous le dire) et des milliards d’insectes piqueurs, mais les mammifères se sont faits rares. Trois ou quatre écureuils, trois loutres, l’ours, et c’est tout. Les caribous, nombreux, ont laissé des traces partout où on passe, mais pas le moindre animal sous les panaches.

Côté canot, autre journée difficile. C’est la troisième de suite. Le vent violent est contre nous, annulant presque nos efforts pour avancer. Heureusement, le courant pousse nos canots Esquif, qui nous ont merveilleusement portés jusqu’à maintenant.

Après 26 kilomètres, nous montons notre camp dans une vallée splendide où nous voyons à au moins 30 kilomètres en aval et en amont. Demain, une belle journée (espère-t-on) nous attend, ce qui nous permettra peut-être de nous laver enfin. Après deux semaines sans savon, ça va faire du bien à tous.

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Premiers frissons

11 Juil 2009

Mathieu Robert Sauvé – 11 juillet, 22 h 15

Ce matin, nous avions rendez-vous avec la rivière. Aussi bien le dire tout de suite : même à ses premiers kilomètres, elle est large et puissante comme un fleuve. Les eaux vives, qui ne présentent habituellement que des petits picotements de plaisir, sont ici assaisonnées de hautes vagues qui nous font tanguer de haut en bas. Dans les R-1, on surveille les risques de
« sousmarinage », un néologisme qui signifie que l’embarcation, remplie d’eau, perd sa ligne de flottaison sous la surface de l’eau. Et comme les canots ne sont pas des sous-marins, les pagayeurs finissent le rapide à la nage. Oh! Oh! Que seront les rapides cotés R-2 ou R-3, qui figurent sur nos relevés dans quelques kilomètres?

Les Autochtones appellent les rivières « chemins qui marchent ». Celle-ci pourrait être surnommée « chemin qui court », car en six heures nous avons parcouru 38 kilomètres, notre plus long trajet jusqu’à maintenant. Nous voyions défiler les rivages à la vitesse d’un coureur de fond. Mais un premier frisson nous attendait à la fin de l’après-midi, quand nous nous sommes fait prendre par un rapide à volume qui a failli remplir le canot de Gérald et Pierre-Marc. Nous avons été quittes pour une bonne frousse. Il ne fallait pas « nager » ici car le rapide fait… 20 kilomètres.

Premières traces de présence humaine en près de cent kilomètres : la pourvoirie Leaf River Lodge, ou les clients paient des milliers de dollars pour un voyage de pêche d’une semaine. On garantit aux pêcheurs des truites en abondance. Personne sur le site. Seuls les loups et les ours sont venus se promener ici au cours des derniers jours.
Aujourd’hui, la météo était plus typique du Nunavik : pluie et vent en matinée, soleil en après-midi et orage en fin de journée. Bref, un temps changeant et imprévisible.
On a bien fait de monter le campement au kilomètre 235. Les canoteurs étaient fatigués, et nous sommes au milieu de rapides tumultueux. Et nous nous gavons de truites mouchetées, cueillies à proximité des tentes.

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