Le mardi 7 juillet, 23 h 50
Deux longues journées. Définitivement.
Partis lundi matin à 11 h de Repentigny pour s’assoupir dans la toundra, à 2 h AM, au milieu de la route de la Baie James, à 257 km au nord de Matagami. Aujourd’hui, une interminable traversée de la taïga en pick-up pour se farcir les 1 000 autres kilomètres nous séparant de la base d’hydravion d’Air Saguenay, sur l’immense réservoir Caniapiscau.
Réempilés à 9 h 30 dans notre vaisseau du désert, nous avons été accueillis par la souriante préposée d’Air Saguenay à 23 h. Elle nous annonce que le forfait inclus une chambre avec douche et cuisinette et petit déjeuner à 6 h 30. Elle confirme que notre vol est prévu à 8 h 30 demain matin et que notre matériel doit être chargé dans les aéronefs vers 8 h. « Il est 23 h. Et nous n’avons pas encore soupé. Est-il possible de retarder le vol en milieu d’avant midi? », « Oui, d’ailleurs, vous êtes mon premier vol cette année. J’avise les pilotes des Beaver et Otter Turbo, qui partiront de Schefferville, demain matin. »
Tôt mardi matin, je me suis réveillé à 5 h 30, après quelques heures de sommeil, excité par le vrombissement de la majestueuse cascade Rupert, une chute magnifique qui croise la route de la Baie James. Partout sur le pont qui l’enjambe, des graffitis dénoncent la fin annoncée de cette rivière : « Save Me », « Help me », « Don’t kill me », « I don’t want to die »… Les promoteurs de ce projet démentiel ont tout fait pour faire disparaître les traces de ces « empêcheurs de tourner en rond », en repeignant les graffitis dénonciateurs. Mais peine perdue, ils réapparaissent.
La rivière Rupert, un des plus grands cours d’eau de l’est du Canada, sera détournée dans quelques mois et perdra la grande majorité de son débit, au profit des barrages de la rivière « La Grande ». Les Cris ont autorisé son détournement, après de longues et lucratives négociations. Ils avaient l’habitude de remonter ce fleuve en canot de 30 pieds jusqu’à sa source, le lac Mistassini. L’an prochain, ils pourront dorénavant la remonter en VTT, directement dans le lit de la rivière. Le camping où nous dormons disparaîtra d’ici l’automne sous plusieurs mètres d’eau, pour faire place à une autre mer intérieure, celle-ci nourrissant d’électrons les gratte-ciels américains et les airs climatisés de l’Ontario. Le grondement de la majestueuse cascade près de laquelle nous dormons fera place au bruit de la caisse enregistreuse du progrès.
L’essence, payée moins d’un dollar le litre à Val d’Or, fut monnayée à 1,21 $ près de Radisson et à 1,41 $ à destination. Le prix de l’éloignement. Nous transportons 2 500 livres de bagages, incluant les pagayeurs, et les 3 canots démontés en partie afin qu’ils s’emboîtent les uns dans les autres, histoire d’attacher 1 canot par avion, au lieu de 2.
La route de terre de Radisson (LG2) jusqu’à l’aéroport de Caniapiscau s’étale sur 666 km. La route de la bête où nous avons croisé ours, orignal (avec panache), coyote et machineries lourdes. Ce territoire administré par les fonctionnaires de la société de développement de la Baie-James couvre 350 000 km2, un territoire aussi grand que l’Allemagne (357 000 km2). Nous avons pris le temps de prendre des photos et vidéos, armés de nos 4 caméras photos et 2 caméras vidéos.
Là, je m’engouffre dans mon plumard civilisé, le dernier avant plusieurs semaines.
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Louis-Marc et Nicolas ont vu la rivière Rupert en hiver en allant à la chasse au caribou.
Ils connaissent l’emplacement où vous campez. Dommage que cette rivière ne demeure pas telle qu’elle est. La photo que Louis avait prise était si belle !
Merci pour ton récit !
À date, votre expédition ressemble à mes voyages de pêche au barrage Gouin !
Parlez-nous de la température, des moustiques, des problèmes, etc… sinon, on va penser que vous avez dramatisé votre aventure pour nous faire peur !