Rivière aux feuilles 2009

Par Benoit Laporte – 12 juillet, 16 h

Comme nous vous le racontions, la journée d’hier nous a fait vivre d’intenses émotions. Nous avons monté notre campement dans une des sections les plus impétueuses de la rivière, une longue série de 20 km de rapides impressionnants de classe 2 (intermédiaire) et 3 (expert), entrecoupés de longs R1 (facile).

Ce matin, journée de repos. Nous avions en effet prévu quelques journées de grâce pour contrer les aléas de la météo, tant pour l’avion que sur la rivière. Un peu comme les journées de tempête prévues au calendrier scolaire. Après une semaine trépidante, cette pause s’avérait essentielle. Long déjeuner : omelette au bacon. Plusieurs bodums de café. Lessive, flânerie, réparation, lecture, livre de bord. Ensuite, randonnée en montagne. Après quelques mètres d’épinettes naines, la toundra est à nous. Le paysage nous offre des sentiers de caribous à perte de vue, doublés d’une vue plongeante sur ce long rapide qui demain nous attend.

Il est important de savoir que la température ici change aussi rapidement que le cours de la rivière. Élevée avec un soleil de plomb à 30 degrés, quelques minutes plus tard, un front froid vous transit les chairs. Et un mur de pluie s’avance tout à coup, venu de nulle part. On prévoit demain 4 degrés comme minimum. Je mets mes sous-vêtements d’hiver à portée de main.

Technologie

Pour les geeks qui se posent la question (désolé pour les autres), nous avons accès à un ordinateur compact avec lequel nous écrivons nos chroniques. Pour recharger la pile énergivore de cet ordinateur, nous sommes équipés d’une batterie portative de 800 W, alimentée par des panneaux solaires portatifs de 48 W pouvant fournir jusqu’à 3 ampères (théoriques). Même par mauvais temps, que nous subissons depuis 2 jours, nous arrivons à alimenter l’ordinateur de même que les appareils vidéo et photo.

Nous sommes aussi équipés de quelques GPS, appareils fort utiles afin de se localiser sur la rivière ou en randonnée. Par extrême prudence, nous possédons 2 téléphones satellitaires, dans 2 canots. Il serait impensable de naviguer cette rivière sans ce type de téléphone, puisqu’il est impossible de se faire secourir par qui que ce soit, les 2 seules pourvoiries que nous croisons n’ouvrant que pour la chasse aux caribous, à la mi-août, et les camps de chasse inuits étant vides en ce temps de l’année.

Lors des journées de descente, nous transmettons nos textes par téléphones satellitaires à une vitesse préhistorique de moins d’un kilo-octet par seconde. Donc, un texte comme celui-ci peut prendre jusqu’à une minute à transmettre. Pendant nos journées de pause, parce que nous avons le privilège de transporter un émetteur-récepteur par satellite utilisant la technologie Xplornet par Hughes Communications, nous pourrons naviguer aussi rapidement qu’à la maison. Sauf qu’hier soir, à la suite des quelques « sousmarinages », nous nous sommes campés rapidement sur un cap rocheux, au dos d’une montagne qui nous bloque l’accès au satellite. Cet appareil est somme toute assez lourd et impossible à transporter au sommet d’une colline. Dans quelques jours, nous retenterons l’expérience et nous pourrons à ce moment vous dévoiler nos chefs-d’œuvre de créativité photographique.

Vous ne perdez rien pour attendre…

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Premiers frissons

11 Juil 2009

Mathieu Robert Sauvé – 11 juillet, 22 h 15

Ce matin, nous avions rendez-vous avec la rivière. Aussi bien le dire tout de suite : même à ses premiers kilomètres, elle est large et puissante comme un fleuve. Les eaux vives, qui ne présentent habituellement que des petits picotements de plaisir, sont ici assaisonnées de hautes vagues qui nous font tanguer de haut en bas. Dans les R-1, on surveille les risques de
« sousmarinage », un néologisme qui signifie que l’embarcation, remplie d’eau, perd sa ligne de flottaison sous la surface de l’eau. Et comme les canots ne sont pas des sous-marins, les pagayeurs finissent le rapide à la nage. Oh! Oh! Que seront les rapides cotés R-2 ou R-3, qui figurent sur nos relevés dans quelques kilomètres?

Les Autochtones appellent les rivières « chemins qui marchent ». Celle-ci pourrait être surnommée « chemin qui court », car en six heures nous avons parcouru 38 kilomètres, notre plus long trajet jusqu’à maintenant. Nous voyions défiler les rivages à la vitesse d’un coureur de fond. Mais un premier frisson nous attendait à la fin de l’après-midi, quand nous nous sommes fait prendre par un rapide à volume qui a failli remplir le canot de Gérald et Pierre-Marc. Nous avons été quittes pour une bonne frousse. Il ne fallait pas « nager » ici car le rapide fait… 20 kilomètres.

Premières traces de présence humaine en près de cent kilomètres : la pourvoirie Leaf River Lodge, ou les clients paient des milliers de dollars pour un voyage de pêche d’une semaine. On garantit aux pêcheurs des truites en abondance. Personne sur le site. Seuls les loups et les ours sont venus se promener ici au cours des derniers jours.
Aujourd’hui, la météo était plus typique du Nunavik : pluie et vent en matinée, soleil en après-midi et orage en fin de journée. Bref, un temps changeant et imprévisible.
On a bien fait de monter le campement au kilomètre 235. Les canoteurs étaient fatigués, et nous sommes au milieu de rapides tumultueux. Et nous nous gavons de truites mouchetées, cueillies à proximité des tentes.

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