Rivière George 2005

Branle-bas de combat !

21 Juil 2005


Pierre-Marc : C’est confortablement assis à une table et surtout à l’abri des mouches et autres bestioles que je vais vous relater les détails trépidants et surtout croustillants de cette journée. Avant de vous expliquer la table et l’abri, je dirais que cette journée a commencé beaucoup plus tôt que d’habitude. Vous l’avez sans doute lu dans la chronique d’hier de Benoît, nous avons été confinés dans nos tentes, battues par un vent constant et fort, durant toute une journée. Gérald, Étienne et moi avons passé la journée à inventer mille et une variantes du poker (et à laver Gérald). Le vent a duré jusqu’au soir et après un bref conciliabule, nous avons décidé de nous coucher tôt pour être sur la rivière de bonne heure le lendemain matin. Ce qui m’amène à ce matin 6 h. Tout le monde debout, un rapide déjeuner et branle-bas de combat, on décampe à 8 h 40. Le temps n’était pas superbe, comme nous en avons eu dans les premiers jours, mais il n’y avait aucun vent et il ne faisait pas froid. Nous avions une certaine pression quant à la distance à parcourir. Nous avions perdu une journée et pour éviter de prendre du retard, il fallait rattraper les kilomètres. Nous avons donc passé une journée à pagayer. En fait, nous sommes restés dans nos canots, sans nous lever, jusqu’à 15 h 45 (7 heures sans arrêt). Ce fut tout de même une journée agréable, agrémentée de discussions peu sérieuses et de chansons rétro. Mais bonne nouvelle ! Nous avons réussi à faire les 18 kilomètres d’hier (mercredi) en plus de tous ceux que nous avions prévus aujourd’hui, soit un grand total de 33 kilomètres.

Nous avons élu domicile dans un des nombreux camps de chasse de Norpaq et relaxons depuis lors (peut-être un peu grâce aux installations à l’abri des mouches qui rendent la civilisation si douce…). Pour le souper, Raymond et Benoît ont pêché trois truites grises dont une de 2 lb pour Raymond. Pour moi, les points forts des deux derniers jours ont été le poker, l’imitation d’un mime par Raymond et l’avant-midi où Benoît a été notre tête de turc.

Troupeau de caribous

Raymond : Un peu avant-midi nous avons aperçu ce qui semblait être des rochers à la surface de l’eau. Nous avons rapidement constaté qu’il s’agissait de caribous traversant la rivière. Ils étaient une douzaine, jeunes et moins jeunes, insouciants de notre regard. Nous les avons regardés passer, émerveillés par leur présence. Un retardataire s’est retrouvé entre nous et le reste du troupeau, ne sachant si nous représentions une menace ou une simple distraction. Il rebroussa chemin puis se ravisa. C’était très certainement les premiers humains qu’il rencontrait. Le troupeau de la George compte 500 000 individus. Nous entrons au pays du caribou. Après le dîner, Benoît et Pierre-Marc nous ont servi leurs répertoires de chansons des années soixante et autres classiques des Classel. Faut-il y voir une relation de cause à effet, mais nous n’avons plus revu de caribou ni d’autres animaux de la taïga. Demain nous affrontons nos premiers rapides. Étienne a des fourmis dans les bras.

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Benoît : Je vous écris exceptionnellement en matinée plutôt qu’en fin de journée. Notre plage que nous croyions idyllique se révèle moins séduisante ce matin. Je suis prostré dans ma tente et tape avec le lap top posé sur ma valise Pélican, entre mes deux jambes. Notre journée a commencé à 0 h 36 ce matin. Des vents violents pliaient notre tente de façon disons inquiétante. Raymond et moi avons vidé les deux vestibules pour nous assurer que rien ne s’envole. Le bruit du vent sur la tente était assez assourdissant pour que nous ayons à crier pour nous entendre. Avant de nous coucher, malgré le calme, nous avions pris soin de défaire les poteaux de coin de la tente moustiquaire et d’y déposer les bagages les plus lourds. Grâce à Internet, nous savions que la journée du lendemain serait épique et espérions que notre équipement puisse tenir le coup (voir la météo de Kangiqsualujjuaq ).

Ce matin nous étions debout à 6 h 30 afin d’être sur la rivière assez tôt. En sortant de la tente, la température était de 9 degrés et le vent avait tourné plein nord. Il souffle de façon constante à près de 40 km/h. Sous-vêtements en polar, veste, coupe-vent, gants, cache-cou et tuque sont de mise. Finalement la vraie température du Nunavik ! Avec un vent pareil, aucune chance de pagayer aujourd’hui, ni de ravitailler nos voisins par hydravion. Après un copieux déjeuner de musli, nous nous dirigeons vers nos voisins américains pour leur offrir notre aide ou de la nourriture. Peter a les yeux cernés et Alana est affairée avec une jeune. Il me raconte que leur nuit a été fort occupée avec deux tentes détruites, des canots qui ont roulé sur la plage comme des fétus de paille et une adolescente qui a eu une crise inexpliquée, qu’ils ont dû traiter avec une seringue « épipen ». Ils attendent des nouvelles du pilote de l’hydravion parce qu’ils doivent évacuer la jeune fille, accompagnée d’une animatrice et de tout leur équipement. Peter m’avoue qu’ils ont eu très peur après les premiers symptômes (problèmes respiratoires, vomissements, maux de ventre, lèvres enflées et décolorées).

En écrivant ces lignes (11 h 30) j’entends le bruit d’un avion qui s’approche. À la suite de la lecture des nombreux récits de descentes de la George disponibles sur Internet, nous savions que les vents pouvaient être assez violents et nous garder dans notre tente pendant plusieurs jours. Citation optimiste : « Le bon côté à tout ça est que pour la première fois nous pouvons nous balader sans protection contre les mouches ». J’ai une pensée toute spéciale pour mon fils Antoine, qui célébrera demain, le 21 juillet, ses 16 ans. Il a toujours été l’ange gardien de notre fille Gabrielle et sans son soutien constant, elle n’aurait sûrement pas fait la moitié des progrès qu’elle a accomplis ces dernières années, malgré son autisme. Gabrielle et Antoine ont seulement 18 mois de différence.

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