Rivière George 2005


Enfin la George !

Benoît : Hier soir, le train s’est arrêté à Schefferville et des centaines de personnes attendaient, agglutinées autour du fourgon à bagages, de récupérer leurs biens. Je ne sais pas pourquoi mais une odeur de fête flottait dans l’air. Sans doute parce que le dépaysement est total alors que la majorité des gens que nous croisons sont Innus ou Naskapis. Sur le quai, Claude St-Amant, notre guide jusqu’au départ en hydravion demain, cherche du regard les gens qui ont l’air de canot-campeurs. Les bagages enregistrés sont vite engouffrés dans la camionnette, mais la récupération des canots et barils est plus problématique. Pendant que Raymond et moi essayons tant bien que mal d’ouvrir le box-car, il ne reste que l’autre groupe de canot-campeurs pour nous donner un coup de main. Finalement, après plusieurs minutes d’efforts, nous réussissons à ouvrir le wagon avec une tige d’acier. En deux temps trois mouvements, la trentaine de barils sont chargés et nous nous dirigeons vers notre campement. Dans notre humble cabane se trouve déjà un drôle de numéro, Jos Miquelon, de Toronto. À 57 ans, il en est à sa cinquième descente de la George en solo. Pendant un mois il pagaie seul dans son noble canot Blue Hole de 1984. Un phénomène !

Debout à 7 h, nous déjeunons à la cantine de Claude. Une entrevue radio par téléphone satellite nous attend vers 9 h avec Jacques Plante, du 103,5 FM. Aussitôt après, nous nous rendons à la base d’hydravion de Jean Paquet, de Norpaq. Claude nous glisse un petit cadeau dans nos bagages : de la truite grise fraîchement fumée. Le matériel est déchargé et la pesée du matériel nous stresse. On nous avait permis pas plus de 1 200 livres pour pouvoir décoller et nous faisons osciller la balance à 1 020 lb… Les trois autres larrons atterrissent à 11 h 30. Ils arrivent directement de Montréal, du travail, des responsabilités… Étienne a fini de préparer ses bagages à 2 h 15 ce matin, et il s’est levé à 4 h pour finir une soumission. Quelques heures plus tard, sur le bord de la rivière au milieu de la toundra, le choc est majeur. Et très agréable.

Raymond : Pour transporter le groupe, les canots et le matériel, deux avions ont été nécessaires. Un Beaver et un Single Otter. Le canot d’Étienne a été placé à l’intérieur du plus gros des avions et les deux autres sur les flotteurs. J’aurais aimé discuter avec le pilote Denis Vansterthen, mais le bruit assourdissant du moteur a rendu la chose impossible. J’ai quand même su qu’il était originaire de Lanoraie dans notre région de Lanaudière. Nous avions prévu nous faire déposer sur la lac Résolution, un élargissement de la George, mais après quelques discussions il fut décidé de commencer la descente à partir du Twin Lodge un peu plus en aval parce que le site était plus propice à un atterrissage. Sage décision, le site est magnifique. Un plateau sablonneux qui surplombe la majestueuse rivière. Désolé, il est 18 h 15 et on m’annonce que le souper est servi. Un bœuf aux légumes livré directement de Montréal par nos trois collègues. Les mouches bourdonnent, mais nous sommes en sécurité sous notre tente moustiquaire modifiée pour la George…

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Le saut de l’ange

14 Juil 2005


Le saut de l'ange

Benoît : Debout à 6 h, la pluie bat son plein. Un triste 14 degrés nous attend. Notre bon samaritain, Dr. Urgel Pelletier, propriétaire du chalet où nous dormons à Sept-Îles, nous raccompagne jusqu’à la gare de train de la QNSLR. Je laisse ma camionnette sous la garde de M. Pelletier pour éviter des surprises lors de notre retour. Nous arrivons à la gare en Cadillac, contraste frappant avec nos barbes de 4 jours, nos barils et nos crânes rasés. En effet, avant le départ, Raymond et moi avons décidé de nous raser la chevelure à son plus simple appareil. On nous avait prévenus que le train serait plein et de nous pointer tôt pour avoir de bonnes places. On nous avise de nous asseoir à gauche si les paysages de la rivière Moisie nous intéressent. Et quels paysages !

Hier les gens du train ont été très chics avec nous. Parce qu’il y a 4 groupes de canot-campeurs à bord du train, les patrons ont décidé de placer un box-car spécial sur le train de passagers. Une expédition sur la « De Pas-George », une autre sur la Romaine, une troisième sur une série de lacs près du lac Menihek et nous sur la George à partir du lac Résolution. Une quantité impressionnante de canots sur ce train, tous de marque Esquif, le manufacturier numéro 1 de canots au Québec. Assis dans le train, avant le départ, nous téléphonons une dernière fois à l’être aimée pendant que nous avons encore un contact cellulaire. Nous nous sentons comme le plongeur au bout du tremplin qui dans quelques secondes n’aura plus le choix et devra couper le contact avec la terre ferme et faire ce que doit. Evelyn, notre hôtesse de fer innu, comme elle s’amuse à se définir, nous rappelle le slogan qu’elle a créé pour ce train : « Destination garantie ou argent remis ». Un sourire dans les yeux, elle vient nous indiquer les plus beaux points de vue le long de la voie. Un voyage inouï dans une contrée unique.

Raymond : À bord du train les paysages défilent sous nos yeux. Non, c’est plutôt nous qui défilons devant des paysages immobiles qui semblent indifférents à notre regard. Un long travelling de 570 km. La scène se joue en une seule prise de douze heures rythmée par le roulis du train. Le décor ponctué de lacs et de montagnes est magnifique. Le coucher du soleil se décline en rose et ocre tandis que la nuit s’installe dans le moyen nord. Alors que nos collègues de Montréal viennent nous rejoindre à Schefferville en avion, en à peine trois heures, Benoît et moi avons mis trois jours pour y arriver. Mais c’est encore rien si l’on pense à ceux qui ont exploré le territoire bien avant nous. Le personnel du train a été très avenant envers nous. Merci à Éric Thibault et son équipe. Demain le grand départ pour 23 jours de rivière pour compléter notre saut de l’ange…

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