Rivière aux feuilles 2009

Le dernier droit

25 Juil 2009

Par Jean-Pierre Simard – 25 juillet 21 h

Ça sent la fin. Depuis deux jours, nous sentons l’air salin de la baie d’Ungava, et ce soir nous couchons au bord du lac aux Feuilles, à 20 kilomètres de Tasiujaq, notre but ultime. Nous voyons des traces de civilisation, deux camps de chasse et des pêcheurs inuits qui ne se sont pas arrêtés pour nous. De plus, cinq avions et deux hélicoptères nous ont survolés.

La fatigue commence à se faire sentir. La plupart d’entre nous ont de plus en plus hâte de retrouver le confort de leur foyer. Moi en tout cas je m’ennuie de ma petite famille et aussi de mon lit.

Parfois, on ressent l’impatience des compagnons lors de discussions banales. C’est dans ces moments qu’on se rend compte à quel point le respect et la diplomatie sont importants pour que le groupe demeure uni et solidaire. Le but commun est très près de nous et nous l’atteindrons dans la joie, comme au jour de notre départ, le 6 juillet.

Après une bonne nuit de sommeil malgré la présence d’un ours qui rôdait dans les environs du campement hier soir, nous nous sommes réveillés dans le soleil pour une quatrième journée de suite. Aujourd’hui, on se la coule douce devant le lac aux Feuilles, et nous admirons le paysage depuis une cabane où nous avons décidé de passer la nuit. Les sites de camping sont rares dans l’estuaire, les montagnes sont abruptes et il n’y a aucune plage dans les environs.

Demain, nous passerons « Reverse Falls », la dernière étape importante de notre expédition. Nous n’avons que quelques heures pour franchir ce passage où la marée s’oppose au courant de la rivière. En espérant qu’il n’y ait pas trop de vent qui vienne transformer notre petite journée en enfer.

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Journée de congé

24 Juil 2009

Par Étienne Denis – 24 juillet – 20 h 20

Soleil éblouissant, pas un nuage, juste assez chaud pour être bien en short et en t-shirt. Nous sommes campés sur une plage grande comme dix terrains de football. Le paradis.

Aujourd’hui fut une journée de congé. Nous avons tous déjeuné tard, nous avons jasé jusqu’au dîner, quelques-uns se sont saucés dans la rivière (je m’y suis même lavé les cheveux!). Un phoque, curieux, est venu nous voir. C’est le seul endroit au monde où des phoques vivent en eau douce. En fin d’après-midi, certains d’entre nous sont allés marcher dans les montagnes.

J’y ai pris des photos magnifiques, que je publierai sur ce blogue dès que j’aurai accès à une connexion internet normale. Nous nous connectons actuellement par téléphone satellite, dont la connexion internet est d’une extrême lenteur. Cela n’a pas empêché 1 600 personnes différentes de lire nos textes! :-)

Nous quitterons la rivière demain et commencerons la section maritime du voyage. L’eau sera salée. Les obstacles ne prendront plus la forme de rapides mais de vents qui, trop forts, pourront fabriquer des vagues plutôt inquiétantes. Nos canots sont excellents pour affronter les rapides, car ils sont chargés de bagages, mais ils n’ont pas été conçus pour la mer. Ce ne sont pas des kayaks!

(Commentaire s’adressant aux canoteurs : ce sont deux Canyon Esquif et un Prospecteur 17 Esquif. Nous avons d’ailleurs économisé un hydravion d’Air Saguenay en mettant la coque du Canyon dans celle du Prospecteur 17, après avoir défait les barreaux et les pontons des deux canots.)

Nous campons en amont du Goodbye Rapid, le dernier rapide de la rivière (bien que dans l’estuaire nous devrons franchir Reverse : nous y reviendrons dans les prochains jours).

À marée basse, ce rapide est majestueux et imposant (pour les canoteurs : je dirais un bon R4 à volume, avec des trous et des rouleaux gigantesques placés en chicane). À marée haute, ce rapide devient pratiquement… un lac. C’est que nous entrons dans l’estuaire et le rapide au complet sous le niveau de la marée haute.

Nous devrons donc synchroniser notre départ avec la marée haute, qui sera à 12 h 30 demain, histoire de franchir l’obstacle pendant qu’il est inoffensif. Surtout que cette marée est très haute : 16 mètres. Pour illustrer cette hauteur, disons que les triplex de la rue où j’habite, s’ils avaient été construits à marée basse, auraient été complètement immergés à marée haute.

J’écris ces lignes dans la tente moustiquaire en attendant le souper. Je me demande comment finir mon texte. Benoit crie « Un ours! » Pendant une seconde je crois qu’il niaise. Mais il ne niaise pas : un ours dévale la montagne et se dirige vers nous. C’est le branle-bas de combat. L’un à son klaxon, l’autre à son fusil de calibre 12…. et l’autre à sa caméra!

L’ours a arrêté sa course et nous a regardés. C’est uniquement après plusieurs bangs qu’il a déguerpi. Ce soir, nous dormirons un peu plus nerveux je crois (en espérant que la chronique de demain vous sera livrée, sinon certaines seront un peu inquiètes).

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